La vague digitale qui traverse notre société semble tout emporter sur son passage. Pour Alain Weill, directeur général de SFR Media, si la presse traditionnelle ne s’est pas encore fait engloutir, elle est bel et bien à la dérive : sa survie passe par la convergence des médias et des télécoms.

Décideurs. La maison mère de SFR Media, Altice vient de se séparer de nombreux magazines de presse écrite. Quelle est votre stratégie dans le secteur ?

Alain Weill. La stratégie de convergence mise en œuvre par Altice en France et dans le monde s’appuie sur trois piliers : les réseaux, les contenus et la publicité. Les médias jouent un rôle pivot en matière de contenu, notamment en France, avec des chaînes aussi puissantes que BFM TV ou RMC et des titres aussi emblématiques que Libération et L’Express. Nous nous développons rapidement dans le sport (SFR Sport) et le divertissement (RMC Découvertes et Altice Studio), mais notre savoir-faire est tourné vers l’actualité et les news. Notre stratégie en presse écrite est construite autour de ce cœur d’expertise. C’est pourquoi nous nous sommes recentrés sur nos titres d’information générale. Avec ses médias écrits et audiovisuels, Altice a vocation à être un acteur de référence de l’actualité, locale, thématique, nationale et internationale, de l’analyse et de l’enquête. Parallèlement, nous nous sommes affirmés comme un véritable partenaire pour la distribution de la presse écrite en lançant il y a un an SFR Presse, la première application 100 % consacrée à la lecture des journaux et des magazines. Un succès auprès des éditeurs de presse d’une part – plus de 80 titres sont présents dans notre kiosque numérique –  et de nos abonnés d’autre part, avec plus de 120 000 téléchargements par jour.

SFR Presse est la première expérience en France de distribution numérique massive de la presse

Vous avez déclaré récemment lors du Digiworld Future que « la presse traditionnelle va dans le mur. Il n'y a pas un journal papier qui connaisse la croissance. » Comment l’expliquez-vous ?

Soumise à la transformation des usages et à l’écrasante domination des plates-formes numériques dans l’accès à l’information, la presse écrite cherche à se réinventer. En France, la baisse de la diffusion est générale et touche toutes les presses, installant une situation durablement précaire, marquée par le recul des ventes et la perte d’attractivité publicitaire des titres. Si les Français lisent moins, ils continuent pourtant à s’informer, comme en témoignent la réussite de BFM TV ou l’explosion de la consommation d’information en ligne. Notre conviction chez Altice est qu’il faut, tout en conservant le modèle papier, donner les moyens à la presse écrite d’embrasser le mouvement du monde et de s’adapter rapidement aux nouveaux usages. Nous souhaitons participer au développement d’un nouveau modèle de la presse. SFR Presse est la première expérience en France de distribution numérique massive de la presse. Elle repose sur un modèle vertueux, gagnant-gagnant. Je souhaite que nous en fassions un premier retour d’expérience partagé avec les éditeurs partenaires et avec les pouvoirs publics. Dans cet esprit, je proposerai à la rentrée un séminaire de réflexion stratégique sur la réinvention de la presse.

 

Qu’allez-vous faire de Libération et de L’Express ?

L’objectif est de se recentrer sur l’information générale. Guillaume Dubois, le directeur général délégué du groupe L’Express, et les équipes de direction de L’Express et de Libération (Laurent Joffrin et Johan Hufnagel) conduisent une analyse fine de la situation de nos deux titres phares. L’étude débouchera sur un nouveau plan de développement. Préparer l’avenir de ces deux titres dans la transformation numérique est l’exigence que nous nous sommes fixée et autour de laquelle nous avons réorienté notre stratégie pour la presse écrite.

 

Vous avez démontré un vrai savoir-faire en matière de transformation digitale à travers vos différentes expériences professionnelles. Quelles sont vos ambitions pour SFR Media ?

La transformation numérique est devenue la réalité quotidienne de toutes les entreprises françaises, européennes et mondiales. Chez Altice, nous avons décidé d’en faire une opportunité en accélérant notre stratégie de convergence. Portée de manière visionnaire par Patrick Drahi depuis des années, elle entre aujourd’hui dans une nouvelle phase industrielle, qui est mondiale. Regardez ce que font BT en Angleterre ou ATT aux États-Unis et vous saurez dans quel courant international nous avons inscrit la stratégie d’Altice, au cœur de laquelle sont les médias. Aujourd’hui nous sommes puissants dans le sport, dans l’actualité et les news et dans le divertissement : nous avons une nouvelle plate-forme à 360°, SFR Play, consacrée au cinéma et aux séries associant une plate-forme SVOD leader en France et une nouvelle chaîne Altice Studio. Sans compter Discovery et NBCU. Nous agissons sur le long terme et déroulons notre stratégie de différenciation pour nos abonnés autour de nos contenus premium. Ces derniers peuvent par ailleurs être « consommés » sur toutes nos plates-formes et sur tous les écrans, grâce au rapprochement entre notre expertise d’opérateur de télécommunications et celle des médias. C’est la puissance de notre modèle et de notre savoir-faire : maîtriser les contenus comme les technologies.

 

L’un des enjeux des médias est d’avoir plus d'abonnés en ligne. Cette progression dans la sphère digitale suffira-t-elle à rentabiliser l'ensemble de vos activités ?

Le numérique n’est pas un sujet pour un acteur convergent comme Altice, qui a vocation à constituer une alternative européenne à la puissance des plates-formes numériques américaines ou asiatiques. Il est natif ! Les activités de médias et de contenus d’Altice, que je dirige, sont bien au cœur de notre proposition de valeur aujourd’hui. Avec Patrick Drahi, Michel Combes et Dexter Goei, nous travaillons à leur développement. La preuve en est avec le rachat de MediaCapital, premier groupe de médias portugais, ou notre position dans le câble aux États-Unis, construite en quelques mois. La conquête et la fidélisation de nos abonnés se fondent largement sur notre capacité à leur proposer les meilleurs contenus sur les meilleurs réseaux pour la meilleure expérience client. C’est la logique que nous poursuivons dans les news, dans le sport ou dans le divertissement. En France par exemple, nous revendiquons près de 20 millions d’abonnés SFR ; nous connaissons donc déjà les clients auxquels nous souhaitons proposer ces contenus.  

En devenant la propriété directe d’Altice, Next Radio TV devient la première chaîne d’information à être entièrement possédée par un opérateur. Cela ne pose-t-il pas des problèmes en matière d’indépendance ?

J’ai fondé la réussite de Next Radio TV sur l’indépendance et l’innovation. Ce sont précisément ces valeurs que je suis venu chercher et trouver chez Altice, dont elles constituent également l’ADN.

 

Propos recueillis par Marion Robert (@Marion_rbrt)

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