Le leader japonais d’e-commerce Rakuten a racheté PriceMinister et décidé de garder le p-dg de l’entreprise française : Pierre Kosciusko-Morizet (lire notre interview).

Le leader japonais d’e-commerce Rakuten a racheté PriceMinister et décidé de garder le p-dg de l’entreprise française : Pierre Kosciusko-Morizet (lire notre interview). Les ressources financières de Rakuten associées à la vision stratégique du Français devraient les propulser numéro un européen.

Deux cents millions d’euros. C’est le prix qu’a déboursé, en juin dernier, le leader japonais d’e-commerce Rakuten pour prendre le contrôle de Price-Minister. Le plus grand site de commerce en ligne du Japon rachète 100?% du capital de PriceMinister, détenu à 40?% par ses fondateurs, 30?% par des investisseurs privés, 20?% par des fonds (Atlas, Quilvest, Phillimore et TechnoCap) et environ 10?% par ses salariés.


Un p-dg convoité
Même si le chiffre d’affaires de la société française ne dépasse pas les 40?millions d’euros, PriceMinister est aujourd’hui l’un des rares acteurs locaux à faire de l’ombre au mastodonte eBay. Pour Rakuten, il s’agit d’un investissement. Avec cette nouvelle filiale dans l’Hexagone comme base de lancement, le groupe japonais ambitionne de devenir le numéro un européen d’ici cinq ans. Pour PriceMinister, c’est l’occasion «?de développer l’activité BtoC?», et de booster ses perspectives business. Pour diriger les opérations européennes, Rakuten a réussi à garder l’un des p-dg français les plus convoités du moment : Pierre Kosciusko-Morizet. Si le cofondateur et président de PriceMinister a perdu un peu de son indépendance, il garde son goût d’entreprendre (cf. interview page?13). Pour lui, cette fusion ne change rien. Rakuten a fixé les objectifs. À lui de choisir le meilleur chemin pour y arriver. Pour cela, l’équipe dirigeante française est maintenue pendant au moins cinq ans. Un laps de temps qui devrait permettre à Pierre Kosciusko-Morizet d’utiliser toutes ses capacités d’entrepreneur. Car, au niveau européen, le groupe est seulement présent en Angleterre et en Espagne. Et sur ces marchés, PriceMinister est loin de figurer parmi les ténors. Ce que Pierre Kosciusko-Morizet a réussi à faire pour la France, il devra le réaliser en Europe.
Business angels
C’est en 2000, alors âgé de 23 ans, que Pierre Kosciusko-Morizet a créé PriceMinister avec quatre associés. La société se monte à l’époque grâce à une soixantaine de business angels qui apportent trois fois 150 000?euros. Au moment de son lancement en 2001, le site compte seulement 100 000 produits. S’en suivent quatre années de développement interne et une valorisation qui fait plus que quadrupler. En 2005, le groupe stagne, mais l’ancien élève d’HEC devenu chef d’entreprise décide de passer à la vitesse supérieure. Il lance une levée de fonds. 3i et Quilvest investissent onze millions d’euros qui permettent alors toute une série d’acquisitions. En 2007, il rachète 321 Auto (qu’il revendra en 2009), À vendre à louer et Voyager moins cher. Après ces rachats, la société porte une dette d’environ dix millions d’euros qui sera remboursée en quelques années par les cash-flow dégagés


Le goût du secret
Pourtant, difficile de dire aujourd’hui encore quelle est la part du gâteau de PriceMinister. Pierre Kosciusko-Morizet a le goût du secret. Depuis sa création, le groupe refusait de communiquer son chiffre d’affaires. Un mystère qui alimentait de nombreuses spéculations. Mais l’arrivée de Rakuten a quelque peu remis les choses en ordre. Dans un communiqué de presse publié par le japonais, le chiffre d’affaires du français serait de 39,9?millions d’euros pour un résultat opérationnel de 6,6?millions d’euros. Pierre Kosciusko-Morizet espère atteindre une rentabilité opérationnelle de 40?%.


Garanti et simplicité
Comment expliquer un tel succès ? Par le business model. Le groupe ne vend pas lui-même les objets mais occupe un rôle d’intermédiaire. Le site permet de mettre en contact vendeurs et acheteurs. La plate-forme, elle, perçoit une commission moyenne d’environ 13?% sur les deals effectués par les internautes. La plus grande force de PriceMinister est d’avoir un besoin en fond de roulement négatif. Le site reçoit l’argent de l’acheteur avant de payer le vendeur ce qui lui permet de disposer d’une trésorerie confortable. Bien qu’aucune information n’ait été validée, celle-ci serait estimée à 20?millions d’euros. Pour Pierre Kosciusko-Morizet, la réussite de PriceMinister s’explique avant tout par son positionnement. «?En introduisant un tiers de confiance, on garantit au vendeur et à l’acheteur que la transaction se déroulera bien. Et si ce n’est pas le cas, nous remboursons l’acheteur et payons le vendeur?», explique-t-il. Mais, selon les chiffres avancés par PriceMinister, ces cas sont isolés. Moins de 1?% des transactions seraient concernées.
Autre élément important du succès du site : la simplicité du concept et son utilisation. Pour vendre un objet sur PriceMinister, rien de plus simple : il suffit de rentrer les chiffres du code-barres du produit. Ce dernier est alors immédiatement reconnu. Il ne reste plus qu’à fixer un prix. Avec cette formule, près de treize millions de personnes se sont inscrites, dont la moitié a réalisé au moins une opération au cours de l’année. 185?millions d’objets sont actuellement en vente. Pour fournir un tel service, le pôle technique dispose de moyens considérables. Pas moins de cent serveurs sont utilisés pour gérer la base clients et la base de données.


Un marché porteur
Il faut dire que le groupe profite d’un marché extrêmement porteur. En France, le secteur de l’e-commerce a atteint 20?milliards d’euros en 2009 et devrait encore progresser de 20?% cette année. La part du CtoC est elle aussi très importante. Selon le rapport Micro-revenus numériques publié par Club Sénat, 2?millions de Français auraient gagné 200?euros par an en moyenne, l’année dernière, en revendant des objets sur Internet. En 2010, selon le baromètre du CtoC réalisé par OpinionWay pour PriceMinister et La Poste, 55?% des Français ont pratiqué l’achat ou la vente entre particuliers sur Internet. De quoi alimenter la croissance d’une telle entreprise.


17 millions de colis expédiés
PriceMinister revendique depuis mars la première place en France en termes d’audience devant eBay, avec 11,2?millions de visiteurs uniques par mois contre 10,2?millions pour l’américain. Contrairement à son concurrent américain, PriceMinister est positionné sur des produits peu onéreux. Le panier moyen des acheteurs est estimé à environ 31?euros, soit près de la moitié de celui d’eBay. Si les montants ne sont pas impressionnants, les volumes le sont plus. Les colis expédiés à l’occasion d’achats sur PriceMinister et eBay représentent 25?% des 47?millions de colis postés chaque année. Le site français en génère à lui seul cinq millions, plus douze millions expédiés au tarif lettre, soit au total dix-sept millions. Avec une valeur moyenne de 31?euros par envoi, le volume d’affaires tourne donc autour de 530?millions d’euros.


40?% du CA investis dans la pub
PriceMinister, c’est aussi une fabuleuse réussite en termes de webmarketing et de monétisation. Ainsi, quel que soit l’objet de la visite sur le site, elle rapportera de l’argent. Car au-delà de la vente de biens, le site propose de la publicité, des liens sponsorisés ou de la comparaison de prix. Ce comparatif sur ses propres fiches produit permet de vendre aux autres e-commerçants un trafic ultra-qualifié.
La société dépense aussi beaucoup dans la publicité, avec près de 40?% de son chiffre d’affaires investis : 95?% sur Internet et 5?% en affichage métro. Les slogans «?Radin malin?» et «?Devenez radin?» ont construit l’image du groupe, et ironiquement fait sa fortune.


Développer le BtoC
Aujourd’hui, le développement du groupe passe par deux vecteurs : de la croissance interne en multipliant les produits proposés afin d’augmenter le prix du panier moyen et de la croissance externe pour accélérer le développement à l’international. Si aucune stratégie n’est encore arrêtée sur ce dernier point, Pierre Kosciusko-Morizet précise que «?les cibles les plus intéressantes se situent à l’Est?». Mais en partant à la conquête de pays étrangers, ce fin stratège ne doit pas ignorer la concurrence qui se développe en France : eBay se met aux annonces gratuites et Fnac.com et Amazon.fr se lancent sur le marché des produits culturels et électroniques d’occasion, estimé à trois milliards d’euros. Amazon compte bien en prendre 15?%. Un challenge prometteur pour un petit roi français, désormais parti à la conquête de l’Europe…

Lire notre interview de Pierre Kosciusko-Morizet

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