Beaux livres, romans, essais, BD... La Rédaction de Décideurs vous présente ses coups de cœur littéraires du mois. Des ouvrages qui peuvent trouver leur place au pied du sapin...

Les Alpes de cimes en cimes

C’est l’histoire d’un guide et de compagnons qui tentent un pari fou : traverser les Alpes d’ouest en est, soit du sud de la France à Vienne en passant par des massifs mythiques et des sommets méconnus, bien souvent à l’écart des voies classiques. Il faudra pour cela quatorze étapes, une par an, que Jean Annequin, à l’origine du projet, consigne et photographie méthodiquement. Cet ouvrage est idéal pour les passionnés de photos de paysages sauvages. Les amateurs de récits de voyage y trouveront leur compte en se plongeant dans des anecdotes de refuges non gardés, de tempêtes de neige, d’amitiés, de solidarité et parfois de conflits. Enfin, le livre regorge d’indications pratiques pour les skieurs émérites tentés de suivre les traces de cette fine équipe qui prouve qu’en plein XXIe siècle, l’Europe reste à bien des égards sauvage et inexplorée.

La grande traversée des Alpes, de Jean Annequin, Guérin, 272 pages, 42 euros

Photos de comptoirs

Le zinc est "le seul métal conducteur d’amitié", selon les mots de l’écrivain Antoine Blondin. Dans son ouvrage Au bonheur des bistrots, le photographe Pierrick Bourgault réunit les clichés de ces endroits à part et chers au cœur des Français. Buvettes typiques parisiennes, troquets de province, terrasses pour bureaucrates, cafés dansants, brasseries pour routiers, péniches bobos… Les photographies nous plongent dans ces lieux qui sont notre quotidien et dont on oublierait presque la singularité: toilettes tapissées d’affiches, photos de stars encadrées et accrochées en salle, tables en bois ou formica, ardoises de produits du terroir. Melting potes, Café de l’univers, Bar des amis ou encore P’tite Marie sont autant d’endroits dont on a l’impression d’avoir déjà poussé la porte. Petit plus de cet ouvrage, une très jolie préface de François Morel, dans laquelle l’acteur et essayiste rend un hommage quasi poétique à ces adresses où la France aime se réunir.

Au bonheur des bistrots, de Pierrick Bourgault, édition de La Martinière, 128 pages, 25 euros

A

Equilibre intérieur

Notre habitat est un endroit où l’on doit se sentir bien et qui dit beaucoup de nous. Si les sources d’inspiration en décoration intérieure ne manquent pas, il n’est pas toujours facile de se lancer dans l’aménagement d’un logement, d’y mettre en œuvre de grands changements ou simplement d’oser une nouvelle couleur sur un mur. Dans leur ouvrage Toit et moi, la journaliste déco parisienne Billie Blanket et la designer d’intérieur Caroline Watelet dressent une liste de questions à se poser sur chaque pièce de la maison. S’appuyant sur les principes du feng shui mais surtout sur le bon sens, proposant des astuces, se fondant sur des témoignages et des interviews, le tout illustré de photos inspirantes, les auteurs rendent très concrets les éléments qui fonctionnent en matière d’agencement, de couleurs ou encore de répartition des pièces. Tout est affaire d’équilibre.

Toit et moi, du décor de la maison au bien-être intérieur, de Billie Blanket et Caroline Watelet, Éditions du Chêne, 320 pages, 29,90 euros

La chose la mieux partagée du monde

La collection des "dictionnaires amoureux" s’élargit. Le comé[1]dien, humoriste et scénariste François Rollin (le roi Loth pour les aficionados de la série Kaamelott) s’est vu confier le thème de la bêtise. L’auteur des Dictées loufoques du Pr Rollin s’attelle à travers plus de 500 pages de définitions de mots du quotidien – de "panneau" à "illustration" en passant par "Jacques Prévert" – à décliner ce qu’est pour lui la bêtise, qui « n’est pas l’erreur, mais l’erreur qui persévère ». Au fil des pages, il évoque ces "cons" qui au premier abord paraissent normaux, la sottise de certains proverbes, le suivisme langagier, ou encore l’aberration de la non-binarité. Il profite de la tribune qui lui est offerte pour parler de la société et de ce qu’elle sait faire de pire. Mordant garanti !

Dictionnaire amoureux de la bêtise, de François Rollin, Plon, 560 pages, 26 euros

Tirages d’une époque révolue

Il fut un temps où Jacques Chirac enjambait le tourniquet du métro. Où Édith Piaf montait sur scène quand Marcel Cerdan grimpait sur les rings. Un temps où Elizabeth n’était pas reine. La bonne nouvelle, c’est que les photographes de l’AFP n’ont rien manqué de ces temps forts. Avec 300 clichés tirés sur 120 ans d’Histoire, nous voilà spectateurs du bain de foule sur la place de la Concorde au lendemain de la libération de Paris, du tour de France, de la mort du Che, des jeux d’enfants dans les ruines normandes, de l’attente de FFI à la fenêtre d’un immeuble haussmannien. L’ouvrage, commenté par une dizaine de personnalités, se vit comme un voyage à l’ère du pré-numérique. Alors, si cette année encore, il est peu probable de trouver sous le sapin des machines à remonter le temps, il reste le photojournalisme. Pour tous les curieux (ou nostalgiques) d’une époque où l’on plongeait dans la Seine en été et l’on roulait jusqu’à Rungis pour une séance de drive-in.

AFP, une épopée photo, Fisheye Éditions, 340 pages, 45 euros

B

Où est Fadi ?

Bonne nouvelle, le dernier tome de l’Arabe du futur, série autobiographique qui aura marqué l’histoire de la BD francophone, est disponible. L’occasion de savoir ce qu’est devenu Fadi, plus jeune frère de Riad Sattouf enlevé par son père qui a fui en Syrie. Mais surtout, de suivre le "petit Riad" qui fait son entrée dans le monde des adultes: premières déceptions amoureuses, psychanalyse, décès de ses grands-parents, études d’art à Nantes puis aux Gobelins, tentatives de réseautage et de recherche d’éditeurs… L’enfance orientale et l’adolescence bretonne s’estompent peu à peu pour une vie d’artiste parisien fauché qui, contre toute attente, commence à creuser son sillon puis à percer dans l’univers du neuvième art. En filigrane de cet album qui se déroule de 1994 à 2011, Fadi occupe une place centrale. Restera-t-il pour toujours un petit frère disparu ? Les retrouvailles auront-elles lieu ? Ne divulgâchons pas l’essentiel mais, c’est garanti, l’émotion est au rendez-vous.

L’Arabe du futur tome 6, de Riad Sattouf, Allary Éditions, 184 pages, 24,90 euros

C

Lose à la française

La colonisation est-elle une preuve de la grandeur de la France ou un crime ? Si la question n’est toujours pas tranchée, elle se base sur l’AEF, l’AOF, l’Indochine, l’Algérie… des territoires vastes et conquis avec panache. Mais le saviez-vous ? En matière de colonies, l’Hexagone peut se targuer de fails si retentissants que l’Histoire a préféré les enterrer. D’une plume vive et ironique, le journaliste Benoist Simmat les exhume. L’occasion de découvrir les tentatives d’implantation à Rio, en Floride, sur la côte érythréenne, en Australie ou en Papouasie. Mais quand ça ne veut pas, ça veut pas. Ennemis bien organisés, éléments hostiles, dirigeants incapables, guerres entre colons, renversements d’alliances, projets utopiques… Toutes ces tentatives se sont soldées par des échecs retentissants qui, malgré des milliers de morts, prêtent parfois à sourire. Ce livre se déguste avec délectation et permet de faire la connaissance de Jean-François de la Rocque de Robert, Troilus de Mesgrouez, Sanson Napollon, Onésime Dutrou-Bornier, ou encore le marquis du Breil, autant de zéros qui s’imaginaient héros.

Atlas des territoires éphémères, colonies manquées et bizarreries souveraines de l’Histoire de France, de Benoist Simmat, Robert Laffont, 308 pages, 21 euros

Des roses et un cercueil

C’est une tradition du journalisme politique : raconter de l’intérieur une campagne présidentielle au sein d’un camp. Pour ce cru 2022, les amateurs du genre ont eu droit à plusieurs ouvrages sur Éric Zemmour et attendaient avec impatience le "cas Hidalgo". C’est Olivier Pérou de L’Express qui s’y colle avec brio. Le livre regorge d’informations, de off et de rencontres qui révèlent comment la campagne de la maire de Paris, mal engagée à la base, a peu à peu versé dans le ridicule. Entourée par un cercle déconnecté et flagorneur, peu aidée par certains "camarades", victime de la recomposition de la gauche, elle sombre rapidement. Les pages se dévorent comme un épisode de Game of Thrones en moins sanglant. Les personnages sont tout aussi égocentriques et calculateurs mais avec moins de panache. Olivier Faure et Christiane Taubira ne sortent pas grandis de l’enquête. Petite réserve stylistique, si la narration basée sur le Cluedo peut faire sourire certains, elle verse parfois dans la lourdeur. Mais qu’importe, la scène finale du livre vaut à elle seule son achat. Indices: Rooftop et François Hollande.

Autopsie du cadavre, d’Olivier Pérou, Fayard, 193 pages, 18 euros

Olivia Fuentes, Olivia Vignaud, Lucas Jakubowicz