De la BD, un zeste d’histoire, une pincée de politique : voici quatre livres qui retiennent l’attention de la rédaction.
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Défaite méconnue

Dans le langage courant, on parle d’un désastre comme d’un "Waterloo" ou d’une "Bérézina". Mais pour être exhaustif, mieux vaudrait évoquer le terme "Azincourt". Nous sommes le 25 octobre 1415, la pluie tombe dru sur ce petit village de l’Artois. Quelques milliers de soldats anglais faiblement armés ne pensent qu’à rentrer chez eux lorsque l’armée du roi de France, bien plus nombreuse, les surprend. Et pourtant, les chevaliers de Charles VI se font hacher menu et subissent une effroyable défaite qui conduira au dépeçage du royaume. De manière romancée, donnant la parole à une prostituée nommée Fleur de Lys, Jean Teulé liste les erreurs qui ont conduit à la débâcle: mépris de l’ennemi, suffisance, rejet du progrès technique, ignorance des éléments météorologiques... L’ouvrage rédigé de manière romanesque nous plonge dans une époque charnière peu connue et nous fait réfléchir aux raisons qui ont conduit à la catastrophe. Loin d’être uniquement historique, Azincourt par temps de pluie est une sorte de petit précis de sociologie des organisations applicable à un présent où des erreurs similaires peuvent être commises.

Azincourt par temps de pluie, de Jean Teulé, Mialet-Barrault, 208 pages, 19 euros

Ce qui se cache dans nos colis

C’est l’histoire d’un dessinateur de BD qui se fait engager comme "packer" chez Amazon, rebaptisé Zamazon pour l’occasion. Et qui note tout. À la clé, un témoignage de l’intérieur sur le quotidien des petites mains travaillant dans les entrepôts du géant du e-commerce. Avec dérision, l’auteur infiltré croque un environnement qui reprend le pire de l’univers de la tech anglo-saxonne : anglicisme à tous crins, esprit corporate destiné à faire croire qu’un intérimaire au Smic est un entrepreneur qui ne demande qu’à devenir milliardaire, culte de la bienveillance qui infantilise et formate les individus... À cela se greffe le quotidien d’un ouvrier "classique" du XXIe siècle : tâches chronométrées, mise en concurrence d’intérimaires…

Dans la boîte, de Lénaïc Vilain, Delcourt, 128 pages, 14,95 euros

Zemmour, chronique d’un échec

Le journaliste Jules Torres fait partie du cercle fermé des "embedded". Pendant des mois, il a suivi les équipes de Reconquête ! et a pu côtoyer le candidat. Il en ressort un récit au jour le jour, parfois complaisant, mais toujours passionnant. Passionnant dans le sens où il met en lumière un entourage plutôt jeune et enthousiaste. Mais totalement déconnecté des préoccupations des Français. L’ouvrage permet de comprendre comment et pourquoi Éric Zemmour est parvenu à remplir ses meetings d’une foule avide de citations littéraires et de références à Talleyrand ou Bainville. Tout en négligeant les marchés, la PQR et les séances de selfies. Du pain béni pour Marine Le Pen qui a laissé son rival la dédiaboliser et a occupé le champ libre. Au point de rafler 89 députés.

Zemmour, dans le secret de sa campagne, de Jules Torres, Plon, 224 pages, 19,90 euros

Dans la peau d’une ado

Faites lire cette bande dessinée à une lycéenne de 16 ans, elle vous répondra probablement : "C’est exactement ma vie, Esther me ressemble trop !". Mais derrière le personnage central de cette série qui en est à son septième tome, se cache le quadragénaire Riad Sattouf qui a un don : celui d’observer tous les détails du quotidien d’une adolescente de seconde. Avec humanité, bienveillance et humour il dresse les doutes d’une femme en devenir qui fait face au Covid-19, au harcèlement de rue, aux choix d’orientation. Mais qui reste pleine d’espoir et d’optimisme. C’est non sans émotion que les lecteurs assidus voient grandir Esther "suivie" depuis ses 10 ans. Si vous voulez comprendre les ados de 2022, plongez dans ces chroniques qui comme Tintin, sont à lire de 7 à 77 ans. Voire plus !

Les Cahiers d’Esther, histoires de mes 16 ans, de Riad Sattouf, Allary Éditions, 54 pages, 17,90 euros