Romans, BD, politique… En cette période de rentrée scolaire et littéraire, découvrez la sélection de Décideurs Magazine.
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Flaubert le breton

En mai 1847, le jeune Gustave Flaubert, accompagné de son ami Maxime Du Camp, entame un tour de Bretagne "sac au dos et souliers ferrés aux pieds". Ce périple de trois mois donne lieu à un ouvrage relativement méconnu écrit par les deux compères. Par les champs et les grèves revient sur un voyage initiatique au cours duquel le Normand prend goût aux voyages et trouve l’inspiration de ses plus grandes œuvres. Le personnage d’Emma Bovary serait né de ragots entendus dans une auberge du Finistère. Environ deux siècles plus tard, l’écrivain Thierry Dussard et sa femme Chantal retracent le périple estival. Les deux "boomers" arpentent en voiture une Bretagne développée, francisée mais gardant son identité. Le couple enchaîne les pauses crêpes et puise dans son expérience humaine et littéraire pour analyser les grands débuts de l’écrivain. Le décalage avec l’ironie juvénile et insouciante de Flaubert et Du Camp, perdus dans une province encore pauvre, est savoureux. Thierry Dussard en joue avec malice et atteint son objectif : nous inciter à lire ou relire celui qu’il nomme ce "sacré Gust".

Fantaisie vagabonde. En Bretagne avec Flaubert, de Thierry Dussard, Paulsen, 177 pages, 19,90 euros

Le pire job de la République

Défendre l’indéfendable, répondre à des salves de questions techniques (parfois sans instructions préalables), éviter la petite phrase qui pourrait mettre le feu aux poudres, faire preuve de sang-froid en cas de crise, protéger le Président et son action quitte à se brûler soi-même … Si le poste de porte-parole du gouvernement permet son shot quotidien d’adrénaline, il est le plus ingrat de la République. Plus qu’ailleurs, le public se souvient des faux-pas plus que des succès. Journaliste politique chez BFM, Anne Saurat-Dubois est partie à la rencontre de nombreux porte-parole du gouvernement : François Baroin, Christine Trautmann, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, Najat Vallaud-Belkacem, Stéphane Le Foll, Benjamin Griveaux, Sibeth Ndiaye, Christophe Castaner, Gabriel Attal… Sans langue de bois, ils reviennent sur leurs succès, leurs échecs et délivrent leurs conseils, parfois machiavéliques, pour réussir dans ce poste si particulier qui peut servir de marchepied. Cet ouvrage offre un angle original qui mélange grande histoire et anecdote.

Profession : paratonnerre, d’Anne Saurat-Dubois, Éditions de l’Observatoire, 205 pages, 18 euros

George Sand, féministe avant l'heure

Oser divorcer de son mari, fumer comme un pompier, vivre de sa plume, s’habiller en homme, s’engager en politique, collectionner les amants (dont certains célèbres tels que Chopin, Mérimée ou Musset). Pas de doute, la vie de George Sand détonne et accompagne les grands événements du XIXe siècle, de la chute de Napoléon Ier à la Restauration en passant par le Second Empire puis l’avènement de la Ve République. Un destin qui est un terrain de jeu idéal dans lequel s’épanouissent Séverine Vidal et Kim Consigny qui font découvrir au grand public une héroïne féministe trop peu mise en avant. Partez à la découverte de cette volumineuse bande dessinée en noir et blanc qui met en bulles certaines scènes, Delacroix, Chopin et Sand travaillant sous le même toit. Si un producteur de série cherche un sujet, qu’il fonce !

George Sand, fille du siècle, de Séverine Vidal et Kim Consigny, Delcourt, 333 pages, 24,95 euros

Mise à nu

Paru pour la première fois à Tokyo en 1925 puis traduit en français en 1991, le texte de Hayama Yoshiki reprend vie dans une nouvelle édition signée Allia. L’occasion de (re)découvrir cet auteur japonais du mouvement de la littérature prolétarienne. La Prostituée a été écrit en prison alors que l’écrivain avait été incarcéré lors de « l’incident » du parti communiste de Nagoya en 1923. Cette nouvelle, une « bombe politique », retrace une rencontre marquante pour Hayama Yoshiki. Celle avec des hommes qui l’emmènent jusqu’à une femme agonisante, "un cadavre qui respire" et dont il est invité à faire ce qu’il veut contre de l’argent soutiré un peu plus tôt. Le livre interroge sur la misérabilité humaine, le rapport à l’exploitation, notre capacité à aider nos semblables. Percutant.

La Prostituée, de Hayama Yoshiki, Allia, 48 pages, 6,20 euros